Les turbulences essuyées par la production nationale (phosphates, énergies, fruits et autres produits destinés à l’export) pèsent lourdement sur le budget et aggravent les déficits. A cause des déficits accumulés (budget, balance commerciale, caisse de compensation, caisses de retraite, Epics et d’autres), on est obligé d’emprunter plus pour assurer les salaires dans la fonction publique et honorer les échéances de l’endettement en principal et intérêts.
Les pourparlers du gouvernement tunisien avec le FMI commencent prochainement. S’achemine-t-on, à terme, vers un retour à l’endettement extérieur ?
Dans les conditions économiques actuelles et en l’absence d’une croissance suffisante du PIB (estimé à environ 39 Milliards de US $), le recours à l’endettement interne et externe continue à être le seul moyen pour collecter les ressources nécessaires au budget de l’Etat. Cependant, en se référant au dernier classement de la Tunisie par les agences de notation souveraine (CCC), la sortie sur les marchés financiers extérieurs est de plus en plus difficile et lourde en conditions (échéances et taux d’intérêts). Aussi, la sollicitation du système bancaire pour fournir le financement interne, pour la quatrième fois depuis une année, est de plus en plus périlleuse avec un impact négatif sur la liquidité dont a besoin le tissu économique interne.
Quelle est votre analyse de la situation actuelle sur le recours possible de la Tunisie à l’endettement extérieur?
Nous passons par la plus délicate des périodes en rapport avec la productivité et l’inflation (plus de 7%). Les moteurs économiques (investissement, production, export et consommation) sont grippés et n’assurent plus leurs fonctions. L’ambiance politique, malgré les grands efforts depuis le 25 juillet, et la mouvance des syndicats ne facilitent pas la donne. Aussi, le calendrier des réformes est très long. Les attentes du citoyen sont vitales et l’activation des réformes devient une urgence. La culture des revendications et des grèves a remplacé celle du travail et de la création de la valeur. Nos entreprises sont souvent prises en otages et paralysées par les parties prenantes.
A mon avis, incriminer toute action altérant ou bloquant la production nationale serait l’ultime disposition légale pour sauver notre économie.
Selon vous, le recours à l’endettement extérieur est- il vraiment aujourd’hui une bonne décision à prendre pour régler la situation financière du pays ?
Certainement, ce n’est pas la bonne solution, mais à défaut d’autres choix efficaces et rapides, c’est par obligation. Les turbulences essuyées par la production nationale (phosphates, énergies, fruits et autres produits destinés à l’export) pèsent lourdement sur le budget et aggravent les déficits. A cause des déficits accumulés (budget, balance commerciale, caisse de compensation, caisses de retraite, Epics et d’autres) on est obligé à d’emprunter plus pour assurer les salaires dans la fonction publique (17% du PIB) et honorer les échéances de l’endettement en principal et intérêts. Le recours à d’autres partenaires financiers, notamment africains, est une alternative de sauvetage mais cela ne peut pas durer longtemps. Il faut savoir compter sur nos propres moyens et ressources avec une bonne gouvernance.
Que peut-il se passer si la Tunisie perd en crédibilité quant à sa capacité à honorer ses remboursements de dettes extérieures ?
En se référant aux dernières notations (CCC), la crédibilité de la Tunisie est déjà remise en cause. Ce classement signifie que la Tunisie est un pays « hautement spéculatif ». Cette catégorie suppose des risques extrêmement sérieux d’incidents de paiement. Ainsi, la capacité de la Tunisie à assurer le paiement durable des engagements financiers sera vulnérable, fortement impactée par la crise économique.
Dernièrement, le FMI a commencé à mettre la pression sur notre gouvernement pour accepter les exigences du Club de Paris et demander le rééchelonnement des échéances. Certes, nous allons supporter une charge supplémentaire d’intérêts, mais c’est une bouffée d’oxygène, indispensable, à court terme. En même temps, on doit présenter un plan Marshall de sauvetage susceptible de convaincre nos partenaires financiers.
Comment, selon vous, mettre en place des limites à l’accumulation de la dette extérieure ?
Il faut un retour rapide à la croissance, à deux chiffres, du PIB. Pour y arriver, il faut améliorer la visibilité politique du pays et instaurer un système fiscal incitant réellement à l‘investissement sur un horizon d’au moins dix ans. La pression fiscale doit être réduite de 35% à 20%. Le regain de confiance des investisseurs et des promoteurs est un défi vital. Dans ce cadre, il faut éviter de diaboliser les promoteurs.
Il est nécessaire de privilégier le préjugé favorable aux soupçons. Ainsi, on doit libéraliser l’initiative privée en réduisant le formalisme administratif et le remplacer par le contrôle a posteriori. L’instauration d’un bon système d’encadrement économique des jeunes est primordiale. Le retour au conseil économique et social est de plus en plus une nécessité. Enfin, il faut des mesures d’austérité des dépenses de l’Etat.